Pourquoi donc passer entre 30 et 50 heures à post-traiter les photos d’un mariage, quand on peut voir immédiatement les photos prises sur son smartphone et que certains photographes livrent leurs photos dès le lendemain, voir le soir même?
Reprenons depuis le début si j’ose dire. Une photo c’est un ensemble de « pixels », des points de couleurs et d’intensité différentes.
Un appareil photo numérique, c’est d’abord un « capteur » qui va sur chacun de ses millions de « photo-sites » convertir la lumière en courant électrique. Un capteur ne produit donc pas une photo, mais une grosse matrice de courants électriques.
Il faut ensuite décider comme les informations électriques de chaque photo-site vont être transformées en pixels d’une photo.
A partir de là, 2 grandes options:
– c’est un programme conçu par quelqu’un à 10000km inclus dans l’appareil photo qui fait la conversion
– c’est un photographe qui fait la conversion à partir de « toute » l’information recueillie par le capteur à l’aide d’un logiciel dont il maitrise les milliers de paramètres
C’est la première option qui est utilisée dans tous les smartphones et dans les appareils photo quand on choisit de sortir ses photos directement en format jpg.
C’est la seconde option qui est utilisée quand on sort ses photos en mode « raw » (brut).
Au delà des innombrables aspects techniques pour lesquels aucun programme prédéfini ne peut aujourd’hui faire les choix adaptés à toutes les situations de lumière, j’avoue avoir du mal à concevoir qu’un photographe professionnel se borne à cadrer et appuyer sur le bouton sans avoir envie et besoin de choisir comment chaque photo va « sortir ». Ce qui ne m’empêche évidemment pas d’utiliser mon smartphone pour faire des tas de photos! Mais pour un moment important, on veut quoi?
La « révolution numérique » en photo n’est pas celle qu’on croit. Certes, chaque smartphone intégrant un appareil photo, la photo a été énormément popularisée et démocratisée. On peut instantanément montrer ses photos à ses amis ou à la terre entière à travers les réseaux sociaux.
Mais la « vraie » révolution photographique, c’est surtout de pouvoir « développer » une photo en quelques minutes, quand cela se faisait auparavant à l’agrandisseur et avec des bains chimiques: quelques heures pour post-traiter une seule photo (choisir sa colorimétrie, recadrer, exposer différemment avec des masques, etc), et quand le résultat n’était pas celui escompté, c’était direction poubelle.
La révolution numérique en photo, c’est d’avoir mis à la disposition de tous, un laboratoire photo complet à travers un ordinateur et un logiciel de post-traitement, avec un coût qui n’a strictement rien à voir avec celui d’un laboratoire photo chimique.
Dans la photo en tête d’article, avant/après post-traitement, la photo de gauche correspond à un post-traitement « neutre », telle qu’elle sortirait directement d’un appareil photo.
A droite, « mon » choix de post-traitement.
La façon de post-traiter est loin de n’être que technique! Le post-traitement offre au photographe une infinité de possibilités de couleurs, de contraste, de netteté, de réglage de chaque couleur (le rouge est rouge comment?), etc, et ce pour des milliers de paramètres. Comme un musicien qui, devant une partition, des traités de musicologie et des références historiques, doit encore décider comment il décide d’assembler tout ça en y rajoutant sa propre perception.
Je suis très attaché à la photo que j’ai choisie en tête d’article. Au delà de son esthétique et de son sujet, elle a aussi une histoire. Mais ce blog n’est pas le lieu pour la raconter. Le noir et blanc offre aussi une infinité de choix possibles en post-traitement. Voici ce que j’ai choisi pour cette photo:
Les limites
Il y a naturellement des limitations aux post-traitements. D’abord des limitations techniques.
Si un visage est sous-exposé au point de « bouffer » les traits, aucun post-traitement ne pourra y remédier.
Si les mariés ont choisi d’avoir de la « fumée fine » sur leur piste de danse, et bien l’immense majorité des photos sera irrattrapable, l’appareil photo « voit » bien mieux la fumée que nos yeux, il devient très difficile de faire la mise au point d’autant plus que les pistes de danse sont le plus souvent dans la pénombre, et si flash, et bien vous savez ce qui se passe quand on allume ses phares dans le brouillard: c’est le brouillard qu’on éclaire!
Mais il y a aussi mes propres limites!
Si « j’enlève » sans qu’on ait besoin de me le demander, ce vilain bouton sorti le matin du mariage sur le visage de la mariée, il m’arrive parfois des demandes « étranges » qu’il est impossible de réaliser, comme par exemple « enlever la sueur » sur le visage d’un marié qui danse en costume 3 pièces depuis 2 heures: « vous n’avez qu’à photoshoper, c’est vous le professionnel », m’a-t-on dit récemment! Argh.
Un dernier exemple pour conclure cet article. Pour les photos « difficiles », il faut imaginer le post-traitement au moment de faire la photo. Pour la photo ci-dessous, au crépuscule, avec très peu de lumière naturelle, je ne voulais pas de flash, pour essayer de reproduire l’ambiance du moment. Un projecteur orange éclairait à droite, les mariés étaient éclairés par le lampadaire. Les paramètres de prise de vue choisis devaient me permettre en post-traitement:
– suffisamment d’exposition afin de conserver les traits des mariés
– pas trop d’exposition, sinon pas d’ambiance nocturne
– pas trop d’exposition mais quand même suffisamment!, sinon, pas de « détails » sur la robe de la mariée (les détails dans le blanc ne sont jamais gagnés, essayez de prendre en photo une aigrette…)
Une fois la photo faite, il y a dans chaque « zone » de la photo les « informations » souhaitées, ambiance, visage, robe. Il y a eu ensuite un post-traitement différent et adapté à chaque zone de la photo afin d’en révéler les informations de la façon que j’avais imaginé à la prise de vue.
Vous savez à présent ce que je fais en semaine pendant la saison des mariages et pourquoi je demande entre 1 et 2 mois pour livrer les photos.